» Noël a capella » : le titre du CD de l’Accroche-Choeur de Fribourg annonce la couleur. Dix-sept chants dessinent les contours de la fête. Voilà un enregistrement de haut niveau.
Le défaut de la plupart des disques de Noël tient justement au fait qu’ils font trop Noël ! De nombreux ensembles décorent en effet leurs interprétations de guirlandes stylistiques afin de coller à l’esprit de la fête. Ils en rajoutent en kitcheries musicales au point de rendre insipides des oeuvres pourtant intéressantes.
Le disque que vient d’enregistrer l’Accroche-Choeur de Fribourg se tient à l’opposé de ce travers. Ce Noël a capella est sans doute l’un des plus beaux qu’il nous fut donné d’entendre depuis longtemps. Un disque sobre, uniquement porté par la voix et par une vérité musicale qui semble réinventer des pièces pourtant très connues. La force des interprétations de l’Accroche-Choeur tient à leur respect du texte, à leur capacité à coller aux intentions de l’auteur. Sans faire référence à certains enregistrements ou à des traditions interprétatives. Ainsi un Douce nuit ou Dans une étable obscure (Praetorius) se vêtent de nouvelles couleurs, étonnent par leur nouvelle transparence. Mais l’intérêt de ce CD réside aussi dans sa volonté de sortir des harmonisations coutumières. Les anges dans nos campagnes virevoltent dans les accords subtils de Carlo Boller.
Le Il est né le divin enfant repose sur un tissu harmonique peu usité de Louis Ruffieux. Plus original encore, l’arrangement d’Entre le boeuf et l’âne gris par un René Oberson particulièrement inspiré.
Jean-Claude Fasel a le sens de la voix. Il possède le talent de tirer la phrase, d’équilibrer un accord, d’habiter les silences. Pour s’en convaincre, il faut écouter la Nuit de Noël, cette mélodie du XVe siècle harmonisée par Debousset, ou ce Noël alsacien arrangé par Gustave Doret. Au-delà d’une apparente rigueur formelle, ces pages sont traversées par le souffle étrange de la fête.
Parmi les dix-sept pièces choisies, le Noël tzigane de Francis Volery tranche par l’actualité de son texte et la qualité de son langage. Quant au Le petit Jésus est né, arrangé par Pierre Kaelin, il trouve dans cet enregistrement une des ses meilleures versions. L’ensemble traduit avec sensibilité ce récit de Noël qui ouvre déjà une fenêtre sur la Passion du Christ et sa mort sur la croix.
Sûr, les qualités musicales de cet enregistrement vont lui assurer une longue vie. Il comble un vide dans le marché de la musique de Noël souvent pollué par la chansonnette et la variété. Et l’Accroche-Choeur, avec ce premier CD, s’impose comme un ensemble de référence.
Patrice Borcard