Fribourg · Le temps d’un programme exigeant, les choristes ont illuminé l’univers choral fribourgeois.
Samedi, l’église du Collège Saint-Michel est plongée dans une obscurité totale. Seule, la ligne obsédante du célèbre Alleluia de Randall Thompson illumine petit à petit l’âme des auditeurs. Malgré la baisse d’un demi-ton, l’interprétation de l’Accroche-Choeur est émouvante, pleine d’une ronde douceur. La lumière revenant, le public découvre le délicat Hymn to St. Cecilia de Benjamin Britten. Après avoir déployé de belles couleurs dans le premier mouvement, les voix aiguës se jouent de la virtuosité de la seconde partie tandis que le chef, Jean-Claude Fasel, réussit à tirer de fort subtiles différences de climats des dernières pages de l’oeuvre.
«Amour» en création
Sur son propre texte, un brin naïf, René Oberson compose Amour, une partition fouillée. Il donne ainsi une dimension particulière du son par rapport au poème et inversement. Amour et haine évoqués se donnent la main, tout comme mélodie populaire et contrepoints complexes, accords pleins et silences, transparence et opacité. L’assurance vocale et le parfait apprentissage de la partition permettent aux choristes de surmonter magnifiquement les nombreuses difficultés de cette création.
Sur une pédale de mi grave chantée par les secondes basses, les autres voix développent une mélopée simple et efficace. La liturgie d’Orient est proche de la sensibilité du Song for Athene de John Tavener, compositeur anglais ayant d’ailleurs rejoint l’église orthodoxe en 1977. La pureté de l’Accroche-Choeur y apporte une noblesse unique.
voluptueuse opulence
Un magnifique choeur d’écho se détache du tutti pour la très anglicane Hymn to the Virgin de Britten. L’auditeur reste dans le même climat avec le début du Ecce tu pulchra es de Dominique Gesseney-Rappo. Mais, au gré des passages latin, anglais ou français l’écriture s’achemine vite vers une voluptueuse opulence harmonique qui, tout à coup, se souvient du plain-chant comme pour s’excuser de tant de richesse. Les registres très équilibrés du choeur servent avec brio cette musique qui dit, qui vit.
Coup de chapeau au maestro, qui a préparé son choeur en alliant rigueur et sensibilité, qui a réussit à convaincre ses choristes de le suivre dans un programme très exigeant. Le nombreux public prouvait d’ailleurs que les Fribourgeois s’intéressent à autre chose qu’à la rengaine habituelle.
Thierry Dagon