Invité à clore les festivités du soixantième anniversaire des Riondênè de Broc, l’Accroche-Choeur de Fribourg a fait l’étalage de ses talents dans un programme où le classique se mêlait aux chants de Noël.
Le directeur Jean-Claude Fasel est adepte d’un art choral dépouillé, sobre, toujours soucieux de restituer l’esprit du texte. Point d’effets, d’éclats de voix, de recherches maniérées comme on peut l’entendre ci et là. L’approche est minutieuse, réfléchie. Les oeuvres sont rendues dans leur identité stylistique, portées par de vraies qualités musicales : chaleur de la couleur vocale, fusion impeccable, justesse rarement prise en défaut.
Prisonnier du style
Mais l’ensemble a les défauts de ses qualités. Et le constant souci apporté à la forme nuit parfois à l’expressivité. Et l’esprit de certaines partitions peine à traverser l’écorce du « beau chant ». Ce fut le cas pour les motets de Felix Mendelssohn tirés des Sechs Sprüche. Le caractère romantique et enjoué de ces pages est resté trop souvent prisonnier d’une interprétation essentiellement stylistique. Les voix masculines, notamment, souffraient d’un manque d’expression. Sentiment identique à l’écoute de Es ist das Heil uns kommen her de Brahms : les lignes mélodiques du choral et de la fugue sont déliées de manière un peu extérieure. Malgré un chant ample, précis, varié dans ses couleurs.
C’est avec Kodály que l’ensemble a trouvé son plein régime. Le Veni, veni Emmanuel résonne généreusement dans la subtilité de son harmonie et la richesse de ses rythmes. Mais la découverte de la soirée fut la Missa Brevis de Leonard Bernstein. Une oeuvre étonnante, réclamant sans cesse l’attention de l’auditeur par l’inventivité de ses formes et la densité de son habit harmonique. On pourrait, à la première écoute, penser que cette composition du chef américain privilégie l’effet à la prière. Ce langage moderne renvoie souvent, par les atmosphères créées, à une tradition plus ancienne. Ainsi les interventions – très belles – de l’alto solo se rapprochent du chant mozarabe dans lequel le grégorien a puisé sa part. Quant aux sonneries de cloches – tenues par Louis-Alexandre Overney – elles soulignent le caractère festif de ces pages. L’interprétation, très engagée, de l’Accroche-Choeur rend avec force la richesse de la partition, son esprit irradiant et sa ferveur priante.
En deuxième partie, l’ensemble de Jean-Claude Fasel a proposé de nombreux Noëls, contenus, pour la plupart, dans le disque enregistré récemment (et dont nous parlerons dans notre édition du 20 décembre). De remarquables interprétations, en réalité, qui refusent le » joli Noël » pour rendre toute la palette des couleurs et des ambiances d’une fête pas comme les autres.
Patrice Borcard