Critique Premier d’une longue série (demandez le programme !), le concert donné dimanche à Bulle est de bon augure. L’Accroche-Choeur (avec d’autres ensembles) a célébré de belle manière un abbé Bovet parfois méconnu.
Nul ne serait prophète en son pays ! Dimanche, en l’église de Saint-Pierre-aux-Liens, l’abbé Bovet a démenti l’adage. Les organisateurs cherchaient le moindre recoin pour ajouter une chaise par-ci, une place debout par-là. Et malgré cela, on a refusé du monde. En prime : l’apparition en fanfare de Saint-Nicolas en personne ! Avec un savoureux accent qui ne venait pas de Myre le saint homme a parlé du barde fribourgeois. Quittant l’église, il s’est fait remplacer par les petits bergers de La Voix du Gibloux. Leur directrice Jocelyne Vonlanthen apporte de très bonnes idées pour agrémenter les partitions. Ainsi, les bouts de choux aux voix claires s’essaient avec succès à la saynète, liant ainsi les chants tout simples de l’abbé compositeur. Certains font le vent, une joue du violon, d’autres imitent le pas des animaux aux claves, le tout accompagné avec délicatesse par Vicent Perrenoud, organiste.
Après cela, une petite suite a été interprétée par le groupe choral Mon Pays. Dans le premier chant, Noël, un timbre métallique empêche la bonne fusion du registre de soprani, tandis que les trois autres voix, chaleureuses, accompagnent dans une parfaite douceur. Les ténors quittent cette qualité et chantent un peu durement le Cantique des anges et des hommes. Cette petite suite de Noël, composition peu originale, ne permet pas à Pierre-André Bugnard de faire des miracles sur le plan de la fantaisie interprétative, mais les beaux textes de Zermatten sont mis en valeur par une diction impeccable et une belle sensibilité. Après un intéressant Puer Natus in Bethleem, l’Accroche-Choeur offre une émouvante version de la Chanson de l’Alpe. Les hommes sont suffisamment nombreux pour apporter une vocalité parfaite de souplesse au célèbre nuit brillante. A tous ces morceaux très souvent chantés, Jean-Claude Fasel donne un jour heureusement nouveau. Point de pâte compacte. La fraîcheur est au rendez-vous grâce à des phrasés intelligents, toujours au service du texte, au gré de la ponctuation. Dans Pê vê la miné, le chef façonne un tempo vif, changeant des versions sulpiciennes trop souvent entendues.
Quelques partitions nous permettent de découvrir un Bovet moins chanté. Le choeur, toujours merveilleusement lumineux, très juste et d’une belle tenue, couvre quelque peu le solo de ténor de Tsalandê. Ce dernier, doté d’un agréable timbre clair, a tendance à ouvrir dangereusement ses aigus, mais l’émotion est au rendez-vous. Le Noël de Grandvillard est un pièce superposant des textes latins et français, dédoublant le choeur et lui permettant une fois de plus de faire montre de son talent. Après une telle page, plus fouillée sur le plan compositionnel, il est difficile de rester dans une totale justesse avec le simplissime Douce nuit, d’après Gruber. L’abbé Bovet, démodé ? Pas si sûr…
Thierry Dagon